Cédant à toute la colère que je conservai en moi depuis une éternité, je repoussai violemment les portes du Lycée Akatsuki. J'étais maintenant dans la cour principale. Les autres élèves, désireux de déterminer quelle était la cause de cette nuisance sonore, se retournèrent tous vers moi et me dévisagèrent de manière un peu trop appuyée à mon goût. Le regard que je voyais sur chaque visage ne faisait qu'alimenter ma rage. Ce regard, ce n'était pas la première fois que je le voyais. Les habitants de Kumo, tous autant qu'ils étaient ou presque, me le réservaient à moi spécialement. A moi qu'ils considéraient comme une abomination. Un monstre. Peut-être que j'en était vraiment un, au final... Même ici, dans ce Lycée où tous avaient quelque chose de différent, je ne me sentais pas vraiment à ma place. Ma colère n'avait pas de réelle cause. C'était juste une révolte émotionnelle que je m'appliquais à diriger contre cette société qui ne m'avait jamais vraiment accepté. Qu'est-ce que le bonheur? Pour moi, cela n'a toujours été qu'une illusion, une chimère après laquelle j'avais passé la plus grande partie de mon existence à courir. Je ne suis que ténèbres. Je sens cette obscurité, en cet instant. Elle est là, tapie au fond de mon âme. Je la retiens encore, pour l'instant, mais quel intérêt? Pourquoi ne pas simplement m'abandonner? Je pourrais libérer ce potentiel caché en moi. Je pourrais tous les exterminer. Personne ne pourrait m'en empêcher.
Un type à l'aspect menaçant s'approche. Il porte deux katanas, un à chaque hanche, et des Kunaïs sont accrochés à ses jambes et ses bras. Il mesurait au moins quinze centimètres de plus que moi, et ses bras avaient le même diamètre que mes cuisses. De toute évidence, il s'agissait d'un élève issu d'une promotion plus ancienne que la mienne. Il s'adresse à moi d'un ton plus que déplaisant:
- Bouge de là, gamin. T'es dans le chemin, tu ne vois pas?
Perdu dans l'abysse de mon âme, je ne prends même pas la peine de répondre. Je fixe un point dans le vide, le regard fermé à toute sympathie. Lentement, je redressai la tête et plantai mon regard dans le sien. En voyant mes yeux rouges rubis, il se mit à ricanner, inconscient du danger auquel il s'exposait.
- Ben ça alors! Des yeux rouges! C'est répugnant! Tu ne dois pas avoir beaucoup d'amis, toi! Hors de mon chemin, maintenant! J'ai à faire!
Sans un mot, je me mis en position. Je m'étais beaucoup entraîné, ces derniers temps, d'un point de vue physique comme psychique. Balayant le sol d'une jambe pour prendre mon élan, je me penchai légèrement, le poing serré. Détendant tout mon corps d'un seul coup, j'assenai à ce pauvre imbécile un uppercut bien placé. Il tituba sous la force du coup, légèrement sonné, et j'enchainai, sans lui laisser le temps de riposter. Me penchant pour éviter son bras qui battait l'air frénétiquement, je lui décrochai un vilain atémi dans les côtes flottantes. Sous le choc, ses poumons se vidèrent, et il se pencha dans un réflexe corporel d'auto-défense. Mon bras gauche était déjà prêt. Le son que fit le nez de cet idiot en rencontrant mon poing fut plus que satisfaisant. Le sang jaillit et tacha le sol, juste devant mes pieds. L'autre s'écroula. Empli de haine, je me dressai au-dessus de l'étudiant et m'adressai à lui d'un ton cynique:
- Tu vois, gamin, ton sang a la même couleur que mes yeux, mais il est plus répugnant encore!
Le type devait être un dur-à-cuire, parce qu'il se releva, sans tenir compte de son saignement de nez. La rage de l'humiliation brillait dans ses yeux. Désireux de me faire payer pour mes coups, il dégaina un katana et se mit en position d'attaque. Il fléchit les genoux, et son corps entier se tassa, à l'image d'un lion prêt à fondre sur sa proie. Il ne bougea pas d'un seul centimètre. Je l'avais déjà emprisonné dans une cage télékinésique. La colère décuplait mes forces, si bien qu'il lui était toujours absolument impossible d'esquisser le moindre geste. Cynisme incarné, je le provoquai encore:
-Eh bien, gamin, quel est le problème? Tu as un katana, et je suis désarmé... Ce n'est pas très équitable, tu ne trouves pas? Pour toi, bien sûr! La qualité prime sur la quantité, tu ne savais pas?
Tendant mon esprit vers l'insecte qui me tenait lieu d'adversaire, je décrochai son deuxième katana de sa ceinture. Les Kunaïs s'envolèrent tous et vinrent se placer tout autour de leur propriétaire, ne laissant aucun angle mort. La deuxième lame, elle, se stoppa sur sa gorge.
-Je pourrais te tuer. Tu es si faible... Mais ce serait trop simple... La véritable punition, c'est de te forcer à endurer ce poison intangible que l'on appelle "vie". Aime! Ris! Vis! Tout cela n'est qu'une illusion, tu le découvriras bien assez tôt.
Toutes les armes s'éffondrèrent sur le sol dans un fracas du diable, et l'étudiant tituba et lâcha son katana. Lorsqu'il se retourna, il était plus pâle qu'un ciel d'hiver. Il me fixait, empli de terreur.
Indifférent, je descendis les quelques marches qui me séparaient de la cour et me dirigeai vers la barrière d'entrée. Sortant de l'établissement, je me rendis à cet endroit si cher à mon coeur: la Source de Vérité. Arrivé là-bas, je m'adossai à un arbre, au bord du lac. Le sommeil me trouva presque immédiatement.
A mon réveil, je fus tout simplement incapable de me souvenir de quoi que soit qui se fut passé dans lajournée.