Refuge partagé [PV Kidda]

Dragan avançait péniblement au milieu des arbres. Il commençait à bien connaître le chemin, maintenant. Il était venu à cet endroit tellement de fois, depuis qu'il l'avait découvert. La Source de Vérité. Le seul lieu dans ce monde où il se sentait vraiment à sa place. Oh, bien sûr, depuis son arrivée au Lycée Akatsuki, sa vie avait été plus heureuse, mais encore maintenant, il ressentait quand même un certain malaise. Un inconfort spirituel qu'il ne parvenait pas à s'expliquer. Pour la première fois de sa vie, il avait connu la joie d'avoir des amis. Les cours, en dépit des professeurs pour le moins inhabituels, ne suscitaient pas de réel intérêt pour lui. Il y avait quelque chose qui manquait. Mais il était tout à fait incapable de déterminer quoi.
Quant aux recherches qu'il continuait de mener pour éclaircir ses origines, elles ne menaient à rien. Il avait passé des heures à fouiner partout dans le Lycée, mais il n'avait pas trouvé la moindre petite petite piste...
Mais pour l'heure, le jeune homme avait tout autre chose en tête. Cela faisait maintenant une demi-heure qu'il progressait au milieu des branches. En temps normal, il serait déjà arrivé à la Source depuis longtemps. Le seul problème, c'est que la situation était loin d'être normale. Il était en pleine course. Une course contre le temps lui-même. Une course qui s'avérerait mortelle si il ne se dépêchait pas. Claus serait bientôt de sortie...
Dragan raffermit sa prise sur Kidda. Sous sa forme lupine, elle était bien plus impressionnante que sous sa forme humaine. Il aurait pu utiliser la télékinésie pour la soulever, mais il s'y refusait. Il voulait que la jeune louve prenne conscience de la présence amicale à ses côtés, de cet ami qui ne la laisserait jamais tomber.
Haletant sous l'effet de cet effort soutenu, il crut qu'il allait crier de joie en arrivant en vue de la fissure dans la paroi rocheuse qui marquait l'entrée de son refuge. Il se glissa tant bien que mal dans l'ouverture, soutenant toujours Kidda de la force de ses maigres bras. Il ne ressentait aucune douleur, aucune peur. Tout ce qui l'importait, c'était de mettre la jeune fille à l'abri. A l'abri de Claus. A l'abri des imbéciles apeurés. A l'abri du monde.
Parvenu à l'autre bout de la paroi rocheuse, il relâcha un soupir de soulagement. Claus ne pourrait pas les atteindres ici. Dragan s'accorda un moment de satisfaction visuelle. En contrebas, la cascade se déversait dans un lac à l'eau limpide. La lueur de la lune éclairait toute la petite vallée, lui conférant un climat bienveillant et réconfortant. Il rassembla ses dernières onces de courage et entreprit de descendre.
Quelques instants plus tard, il déposa Kidda sur le tapis formé par l'herbe avec toute la douceur que son âme pouvait exprimer. Son amie confortablement installée, il se traina jusqu'au bord du lac et but une gorgée d'eau revigorante. Désaltéré, il revint sur ses pas et se laissa lourdement tomber aux côtés de Kidda. Il s'addossa à un arbre et se cala dans la position la moins inconfortable possible. Dans un dernier effort, il souleva la louve une dernière fois et l'installa sur ses genoux. Carressant le pelage soyeux, il réfléchit à un moyen de réconforter son amie.
Ecoutant son instinct, il entonna une chanson qu'il avait connue autrefois:

-Le flocon tombe lentement et tourbillonne;
Les coeurs enfin épanouis sans fin chantonnent.
Un blanc manteau recouvre le monde éteint
Qui ne semble offrir que de tristes espoirs vains.

Entends le coeur de l'hiver battre doucement.
Il vit, la neige glacée en guise de sang
Et l'écorce gelée en guise de chair.
Entends son murmure se répandre dans l'air.

Sens-tu son souffle discret sur ta blanche peau?
Vois-tu l'hiver se changer peu à peu en eau?
Lève-toi, homme, et dis adieu à l'enfer:
Il est temps de ne faire qu'un avec la Terre.

Le jeune homme se tut, continuant à réconforter Kidda. Il ne restait plus qu'à attendre qu'elle se réveille. Il devait lui parler.


--------------HRP------------
Tu as reconnu le poème?

(PS: les images en haut représente ce que j'ai marqué pour que tu visualise mieux ^^ )

Dragan court aussi vite que ses jambes le lui permettent. Autour de lui, tout n'est que ténèbres. L'obscurité profonde lui parait aussi noire que la nuit elle-même. Le bruit de ses pas résonne sur le sol pourtant immatériel. Leur écho se propage sans fi dans une étrange mélodie dont les simples notes suffiraient à pétrifier de terreur le plus vaillant des coeurs. Dans cet étrange univers dépourvu de tout contour, tout semble figé. Rien ne vient bouleverser la sombre quiétude environnante. Rien... Sauf vers la lumière qui propage au loin ses rayons timides. L'illumination est plus qu'aveuglante. La vive lumière meurtrit les yeux de Dragan, qui ne peut pourtant s'empêcher d'avancer toujours plus loin. C'est là sa seule chance de salut. L'unique opportunité de sortir de cet enfer perpétuellement noir.

-Cours, jeune Vlied... Cours... La lumière est à portée de main!

Dragan avance, péniblement, mais incontestablement. Le rideau de lumière n'est plus qu'à quelques pas. Il le voyait, maintenant. Derrière un voile argenté s'étend un autre monde. Une nouvelle vie. Le jeune homme se voit de l'extérieur. Il sourit. Ses yeux ne sont plus rouges comme des rubis, mais bien bleus comme le ciel impénétrable. Ses cheveux, qui ont toujours été d'un noir ténébreux, sont maintenant d'un doux brun qui n'était pas sans rappeler la paisibilité du printemps. Mais ce n'est pas le changement physique qui est le plus frappant.
Autour de cet autre lui, une foule de gens se presse. Aucun regard n'est hostile. Ces gens, autour de lui, sont à son image: ils ne boudent pas leur plaisir, et ils offrent sourires et bonne humeur de bon gré. Ils s'adressent à cette autre version de lui même comme à un ami.
Le vrai Dragan, de l'autre côté du voile, sentit les larmes glisser délicatement sur sa peau pâle. Après une seconde qui sembla durer une éternité, il tendit une main tremblante vers cette vie qu'il avait toujours désirée. Enfin... Enfin, il allait être entier!

-En es-tu vraiment sûr, jeune Vlied? Est-ce vraiment là ce que ton coeur désire?

Dragan s'immobilisa. La voix venait de derrière lui. Au bord de la folie, il se retourna avec lenteur.
IL se tenait devant lui, à moitié enveloppé de ténèbres. Ses griffes luisaient d'une lueur malsaine et son visage arborait son éternel sourire dément, seul élément visible de son faciès. Claus. Dragan avait déjà croisé son chemin, et jamais il n'oublierait une telle folie. Lorsqu'il parla, cependant, ce ne fut pas avec la voix du tueur, mais avec celle qui hantait l'esprit du jeune homme:

-Toi et moi sommes pareils, jeune Vlied. Rejoins-moi... Rejoins les ténèbres obscures!
Dragan tomba à genoux et entoura sa tête de ses deux mains. Les paroles du tueur résonnaient dans ses pensées, sans qu’il puisse s’en défaire, d’une manière ou d’une autre. Endurant mille souffrances, il releva lentement la tête. De cette position, il pouvait voir le visage de Claus. Lorsqu’il croisa le regard du tueur, un cri d’effroi resta bloqué dans sa gorge. Cheveux noirs… Peau pâle… Yeux rubis… C’était SON visage.
-Tu es moi, et je suis toi.
Derrière Dragan, la lumière commença à décliner, avant de s’éteindre définitivement. Les ténèbres le recouvrirent. Son hurlement de désespoir retentit dans le néant.

Dragan ouvrit brusquement les yeux. Il mit un certain temps avant de comprendre ce qu’il venait de lui arriver. Devant lui, brillamment éclairée par la lumière argentée de la lune, la Source de Vérité semblait lui adresser une vague d’apaisement total. Il se souvenait, maintenant. Il avait dû s’assoupir en attendant le réveil de Kidda.
Kidda ! Paniqué, le jeune homme se redressa. La louve avait disparu ! Où avait-elle bien pu partir, cette fois ? Avait-elle encore eu peur en le voyant ? Ne pouvait-il donc pas gagner sa confiance et ainsi lui prouver que les amis sont là les uns pour les autres ?
Perdu dans ses pensées moroses, il faillit faire une crise cardiaque lorsque la louve surgit des buissons. Elle s’installa devant lui et posa devant elle… des poissons ? Cinq poissons et un lapin, que la louve avait transportés au moyen d’une branche plutôt feuillue.
Minutieuse, Kidda sépara le tout en deux rations, visiblement pour lui faire comprendre de ne pas toucher à sa part. Le partage effectué, elle planta ses yeux dans les siens et attendit.
Dragan fut touché par l’attention. Elle avait dû penser qu’il avait une faim de… loup. Elle avait pêché ces poissons elle-même, de toute évidence. Dragan soutint le regard de sa protectrice quelques instants et finit par baisser les yeux vers les poissons crus devant lui. S’il ne les mangeait pas, il vexerait très certainement Kidda… Prenant son courage à deux mains, le jeune homme se saisit d’un poisson et le porta tèèèèèès lentement à sa bouche. A la seconde même où il allait mordre à pleines dents, un bruit léger se fit entendre dans les buissons. Kidda fit volte-face immédiatement, démontrant une fois de plus ses incroyables réflexes.
Dans la pénombre qui entourait le feuillage, Dragan discerna… un jeune chiot aux yeux encore fermés. Comment était-il arrivé là ? La Source de Vérité possédait une faune assez développée, certes, mais il n’était pas convaincu que des chiens y vivent…
Kidda, elle, ne se posa pas de questions inutiles. Elle tourna son doux regard vers Dragan et le fixa quelques instants. Le message était clair comme du cristal : elle voulait qu’il la suive. Faisant à nouveau face au chiot, elle se leva et saisit le petit par la peau du coup, avant de disparaître dans les buissons.
Animé de sa curiosité habituelle, le jeune homme se leva à son tour et lui emboita le pas.

(ps: l'ortho c'est pour plus tard)